Ce jeudi 29 septembre 2022, Jean-François Renault, président du groupe Eficium a été invité à la webconférence, sur la place de la cobotique dans les prestations de propreté, organisée par le magazine Services, en partenariat avec Le Monde de la Propreté.
Jean-François Renault a répondu aux questions de Séverine Wilson sur la place de la cobotique dans les entreprises de propreté.
Chez Eficium, quelle est votre démarche et depuis quand travaillez-vous avec la cobotique ?
Jean-François Renault : “À l’échelle d’une ETI comme la nôtre, c’est un sujet sensible depuis quelques années, puisque nous avons vu d’abord des fabricants de robots s’intéresser à nos clients directement. C’est vrai que c’était la première crainte que nous pouvions avoir à notre échelle, de voir un marché qui disparaisse au profit de fabricants. Il s’est avéré que c’était davantage de la cobotique qui allait se mettre en place, ou des outils fabriqués pour aider nos collaborateurs, qu’on allait trouver sur le marché. C’est une démarche que nous entreprenons depuis 5 ans. Nous avons d’abord eu des fabricants produisant des matériels désignés à usage industriel : pour nettoyer des parkings, des sols de logistique. Depuis 2 ans maintenant, nous faisons de véritables tests, sur les sites tertiaires avec des fabrications qui ne sont pas forcément dédiées à l’origine pour les métiers de la propreté, mais qui sont vraiment dans le schéma de la cobotique et de l’accompagnement de nos collaborateurs. Nous développons aussi, de plus en plus, ces essais avec des outils de lavage qui vont nous permettre d’améliorer les conditions de travail et la qualité, in fine, de nos interventions.”
C’est également dans le tertiaire que vous testez, chez Eficium, les robots de lavage ?
Jean-François Renault : “Oui, notre activité est effectivement davantage portée sur le tertiaire et ce sont les premiers tests que nous menons aujourd’hui. Pour nous, ce sont des tests qui sont en phase de développement, c’est de la R & D à notre échelle. C’est du coût complémentaire et de l’investissement, car l’équilibre économique n’a pas encore été défini.
Mais je pense qu’il est du ressort et de l’obligation de chaque entreprise de s’investir dans ce sujet pour que nous puissions montrer aux fabricants qu’il y a un véritable intérêt : il faut qu’ils investissent pour qu’il y ait un rendement, et qu’à terme on retrouve des outils qui nous permettent véritablement d’investir facilement et de pouvoir se dire que, demain, nous pourrons remplacer une petite autolaveuse par un robot ou un cobot qui fera le lavage en complément des interventions des collaborateurs.”
Quel est votre premier objectif, finalement, en investissant sur cette technologie ?
JFR : “Le premier objectif est de satisfaire nos clients en apportant de la qualité. Ensuite, c’est de faire en sorte que nos collaborateurs aient des outils avec lesquels ils puissent travailler de façon ergonomique, en améliorant les conditions de travail, notamment la lutte contre les TMS (Trouble Musculo-Squelettiques), qui est un enjeu sur le lavage de sol ou l’aspiration. Ce sont des prestations qui peuvent enchaîner et entraîner des difficultés pour les collaborateurs. Nous allons apporter des outils qui vont permettre de répondre très favorablement à cette problématique.
Il faut maintenant trouver l’équilibre économique. Et c’est aux fabricants que nous devons nous adresser, mais c’est aussi un engagement des entrepreneurs. C’est vraiment le message que je souhaite faire passer. C’est à chacune des entreprises du secteur, quelle que soit sa taille, d’investir ce sujet, pour que nous puissions, à terme, avoir des outils qui nous permettent d’investir facilement et de ne pas avoir de surcoût dans le cas de notre production.”
Quels sont les secteurs les plus demandeurs et les demandes de vos clients ?
JFR : “Nos clients se placent dans une solution d’attente rapport qualité/prix. Ce qu’ils veulent c’est une prestation, in fine, que nous apportons. C’est notre rôle en tant qu’entreprise de propreté d’apporter cette solution, cette prestation de propreté sur les sites. Donc, nos clients ne nous appellent pas en disant : “Présentez-moi un robot.” C’est nous qui sommes en veille, qui allons voir sur les salons comme à Amsterdam avec Interclean. Cela fait de nombreuses années que nous voyons apparaître les fabricants sur le sujet. Nous avons fait des tests chez les clients.
Il y a eu des résistances. En parlant de logistique par exemple, la coactivité était un problème pour certains : risques d’accidents avec les chariots élévateurs et la présence des robots car le robot dispose de détecteurs, mais pas le chariot élévateur qui est souvent géré par un humain et n’empêchera pas forcément l’accident. Donc, nous avions des résistances sur ce sujet-là. Travailler la nuit signifiait enlever les alarmes des entrepôts logistiques, ce qui posait un problème d’assurance.
Il y a des résistances qui existent en local, et nous voyons bien, aujourd’hui, qu’il y a une fabrication qui se met en place, qui est plus ergonomique et qui s’adresse à des surfaces moins importantes : j’entends de 3 000 à 7 000m². C’est vrai que ce n’est pas un entrepôt logistique, mais on va parler surtout de surfaces tertiaires, surfaces de ventes, surfaces médicales. C’est à nous, entreprises de propreté, d’être toujours en veille et d’apporter des solutions à nos clients.”
Concernant l’application de la cobotique sur les sites tertiaires, sur quelles surfaces interviennent-ils et quels rôles ont-ils ?
JFR : “Ils ont la capacité d’intervenir sur des surfaces qui vont de 1 000 à 10 000m². Les premiers robots que nous avons testés il y a 2 ans, ont des durées d’utilisation qui sont limitées à 2 heures par jour. Au-delà, ils considèrent qu’il y a un risque pour le robot. Ce sont les premiers tests que nous avons faits. Cela veut dire que nous sommes limités en termes d’usage : nous pouvons travailler sur 500 m², 600 m² et sur du balayage de sols. La partie R&D va très vite puisqu’aujourd’hui les derniers tests que nous faisons sur les robots de lavage nous amènent à un rendement théorique de 800m² par heure. Dans la réalité nous savons tous que ça sera un petit peu inférieur. Nous sommes encore dans les tests. Nous pourrons vous dire plus tard où nous en sommes. Mais nous nous approchons, avec le temps, d’une solution qui sera vraiment ergonomique au quotidien pour nos collaborateurs, et c’est ça qui est important.”
Concernant l’équilibre économique difficile à trouver, est-ce que cela signifie qu’il faut changer de modèle ?
JFR : “Non, c’est comme la voiture électrique lorsqu’elle est née il y a 10 ans, voire plus que cela. Petit à petit, les utilisateurs investissent sur le sujet donc les fabricants vont pouvoir diminuer les coûts de fabrication. Nous sommes dans une logique vertueuse, et comme je le disais au début de cet entretien : c’est aux milliers d’entreprises de propreté en France d’investir sur ce sujet afin que les fabricants se saisissent de cette solution et nous apportent, économiquement, des solutions qui se rapprochent des prix que nous avons actuellement sur, non pas les cobots, mais les laveuses et aspirateurs sur le marché. Lorsque nous nous rapprocherons de cette logique, puisque nous sommes dans un accompagnement hommes et machines, nous aurons quelque chose à apporter facilement à nos clients.»
Chez Eficium, comment intégrez-vous la cobotique dans vos offres de prestations ?
JFR : “Clairement, c’est notre budget R&D. Nous ne pouvons pas, aujourd’hui, le facturer à nos clients car nous n’avons pas la solution qui nous permet d’avoir une logique économique et d’apporter à coût constant la solution de propreté. N’oublions pas que nous sommes face à des clients qui achètent une prestation. Il y a un rapport qualité/prix. Nous pouvons travailler manuellement avec les outils que nous voyons aujourd’hui, nous avons des petites laveuses depuis quelques années et nous voyons qu’il y a des solutions qui se mettent en place.
Donc, non, c’est à l’entreprise de propreté d’investir, véritablement, et petit à petit nous entrerons dans une démarche vertueuse où nous aurons une logique économique que nous serons en mesure d’apporter à nos clients.”
Qu’attendez-vous des fournisseurs de robots ?
JFR : “Premièrement, une baisse des coûts. Aujourd’hui, les outils font que nous sommes vraiment en situation de R&D, nous tâtonnons un peu sur le sujet. Le cobot est vraiment la solution, nous avons trouvé la voie vers laquelle il fallait aller : des outils plus ergonomiques, beaucoup plus petits. Les solutions logicielles se développent énormément et vont très vite : les solutions radars, les robots apprennent les zones, comme les derniers que nous avons en test aujourd’hui, pour gagner en productivité sur l’intervention.
Aujourd’hui, notre engagement financier pour un robot classique s’élève à 500€ par mois ce qui est l’équivalent du prix de revient de 2 heures d’intervention humaine. Donc, c’est le coût de l’intervention homme par rapport à la valeur machine et comme nous ne faisons pas d’économie sur l’intervention homme, la logique économique n’est pas trouvée, très clairement. Il faut que nous puissions avoir une solution qui se rapproche d’une autolaveuse ou d’un aspirateur classique, afin de mettre en place, à terme, cette cobotique avec une logique économique où le client peut avoir la satisfaction du meilleur rapport qualité/prix.”
Quelles sont les réactions des agents sur le terrain lorsqu’un cobot est mis en place ?
JFR : “Très favorable ! On met en place un QR Code, on trace un chemin pour le robot, il se met en place. Aujourd’hui, la cartographie est très simple. Je me souviens qu’au tout début, nous avions de l’audiométrie, c’est-à-dire que c’est le robot qui repérait sa place sur le sol, c’était extrêmement complexe, cela prenait quelques jours pour cartographier un site.
Aujourd’hui, nous avons une cartographie qui se fait simplement par du détourage. Nous accompagnons le robot et le QR Code va repérer le chemin sur lequel il va travailler. Le collaborateur qui intervient peut très facilement se mettre en place tout en valorisant son activité. En effet, le robot qui fonctionne à côté de lui pour qu’il puisse faire ses interventions de finitions, de dépoussiérage, toutes les interventions que nous allons avoir autour des traitements des sols. Aujourd’hui, nous parlons d’une cobotique qui s’adresse essentiellement au traitement des sols : le lavage et le balayage. Nous avons bien toutes les activités complémentaires à mettre en place.
Donc, la première réaction était un petit peu distante au début mais c’est comme pour tout changement. Le robot de balayage, en test depuis 2 ans, peut rencontrer quelques fois des difficultés de SAV comme tout matériel. Mais aujourd’hui, il fonctionne au quotidien et nos collaborateurs savent l’utiliser sans difficulté.”